DEUX JOURS À MAI CHAU
Lorsque je préparais mon itinéraire, s'est posée à moi la question du Nord du Vietnam : Sapa, ou pas Sapa ? J'avais beaucoup lu sur le caractère très touristique de cette zone, mais également eu des doutes en réalisant la distance à parcourir depuis Hanoï. Puis, la région de Mai Chau s'est présentée à moi comme le parfait compromis. Moins connue que Sapa, plus proche (seulement 135 km), c'est aussi une destination prisée des locaux qui souhaitent fuir Hanoï pour le week-end.
La région accueille, outre des vietnamiens, plusieurs minorités ethniques, notamment les Thaï, qui ont leur propre culture et leur propre langue (mon hôte m'expliquera que cela revient sensiblement à de l'Espagnol ou de l'Italien pour nous : même sans le parler, ils se comprennent à peu près !).
L'intérêt de la région, c'est surtout de se mettre au vert : faire de longues balades à vélo ou à pied dans les rizières (à perte de vue), faire des randonnées, se perdre dans les marchés (le week-end, je n'ai pas eu cette chance !)... Un vrai petit havre de bien-être entre deux villes mouvementées !
Deux jours m'ont semblé parfaits pour découvrir la région sans être frustrée ; il aurait fallu prolonger pour pousser jusqu'à Pu Long. Mais sans excursion particulière, c'est la durée parfaite ! Il faut dire aussi que j'ai eu beaucoup de chance sur le temps. Malgré quelques grosses averses / sacrées trombes d'eau (terminées en 10 minutes), il y a fait particulièrement beau lors de mon voyage en septembre.
Et côté logement, il y a l'embarras du choix... Du plus chic : le Mai Chau Ecolodge, aux chambres à 4 euros en dortoir chez l'habitant... Tout y est possible !
JOUR 1 - À LA DÉCOUVERTE DE LA VALLÉE
Ce matin, j’ai rendez-vous à l’Opéra d’Hanoi à 9h45, direction la vallée de Mai Chau. Mon hôte, Hoï, a réservé pour moi. Et pour quelqu’un d’un peu stressée par la logistique en voyage, je peux vous dire que je suis partie sereine : entre la plaque d’immatriculation, le numéro du chauffeur, la photo de la voiture et de l’emplacement exact du point de rendez-vous… Je ne pouvais vraiment pas me tromper ! Je retrouve donc ma « limousine » (c’est comme ça qu’ils l’appellent ici), qui n’est en fait autre qu’un mini-van à 9 places – dont 6 voyageurs – qui offre un peu plus de confort (moyennant un prix plus élevé) qu’un bus classique. Un prix plus élevé, certes, mais qui reste raisonnable : 250 VDN pour 3 heures de bus (et surtout, un départ dans le vieux centre d’Hanoï et pas à l’autre bout de la ville… pratique !).
J’arrive la première, et je comprends vite qu’il ne faut pas être trop stressé sur les horaires. Ce n’est que 20 minutes après l’heure indiquée que nous partons enfin, alors qu’un deuxième (et dernier) couple nous rejoint ; détendu, pas désolé pour un sou, bref : les horaires, ici, ce n’est pas primordial ! En les attendant, le chauffeur commande à un vendeur ambulant un café vietnamien, appelé aussi cà phê sūa dá : un robusta mélangé (vigoureusement) à du lait concentré. Une vraie spécialité locale !
Pendant 3 heures, nous quittons progressivement la folie Hanoïenne pour rejoindre des décors beaucoup plus rustiques. On passe par toutes sortes de petits villages… Enfin de ce que j'en vois car je termine ma nuit dans le bus. Tout d’un coup, le van s’arrête et un homme me fait de grands signes dehors. Je comprends que je suis arrivée à destination (30 minutes plus tôt que selon les estimations, c’est suffisamment remarquable pour être salué) : le Mai Chau Home, une petite maison tout au bout du village, à proximité directe des rizières.
L’homme qui me fait coucou, dehors, c’est Hoï. Et il a le sens de l’hospitalité. Il porte mes deux sacs, m’offre un thé, saisi mon téléphone pour rentrer un petit itinéraire à faire à vélo... D’ailleurs il me prête le sien car comme je suis la seule à dormir ici ce soir il n’en a pas besoin et ce sera plus simple. Car oui, je suis seule, et quand je dis seule, ce n'est pas une façon de parler. De ma fenêtre, un bassin avec des canards. Et c’est tout. À l’heure où j’écris ces lignes, il n’y a pas un bruit si ce n’est celui des cigales et des canards qui se chamaillent, et de la femme d'Hoï qui me prépare un plat depuis sa cuisine.
À 15h, le soleil est un peu moins plombant. J’enfourche le vélo d’Hoï, et je me mets en route vers les rizières. J’avais beaucoup lu qu’il était très facile de se repérer, qu’il était impossible de se perdre… Et bien figurez-vous qu’impossible n’est pas Audrey... Et plusieurs dizaines de minutes plus tard, je suis perdue. Et c'est là ma chance : je passe par d’innombrables petits villages, croise des dizaines de sourires d’enfants qui s’empressent de me faire coucou, suis suivie par des dizaines de chiens, et de chiots, que je m’efforce de ne pas caresser parce qu’il y a encore des problèmes de rage au Vietnam... Et je fonds d'amour.
Au soleil, sans surprise, il fait chaud. Très chaud. Je dégouline de cette température humide qui semble bien caractéristique de la région. Mais à l’ombre, le petit vent rend le tout supportable. Les Vietnamiens s’adaptent d’ailleurs très bien à ces températures. Ils travaillent le matin, tôt, et en fin de journée, je commence à croiser pas mal de vietnamiens en train de s’affairer dans les rizières. Il y en a un peu partout, il suffit d’attendre qu’ils changent de position pour apercevoir, le plus souvent, la pointe de leur chapeau de riz. Je m’arrête prendre quelques photos de loin, encore trop timide pour demander à les photographier de près. Je lance aussi le drone quelques minutes, pour découvrir cette vue panoramique de l’endroit, avant que celui-ci ne m'alerte qu'il est en surchauffe. Car je vous l'ai dit, ici, il fait chaud... Très chaud.
La nuit tombe vite, il est déjà temps de rentrer. Cette fois-ci je mets le GPS pour ne pas prendre le risque de rentrer dans le noir. Je passe notamment par le centre-ville de Ban Lac (un seul conseil : n'y allez pas !). En arrivant à l’hôtel, il n’y a pas un chat. Ou plutôt… Si, un chien : un gros malinois (55Kg, non ce n’est pas une blague !) m’attend. Il me fait de l’œil, me fixe… Mais on ne perd pas le cap, souvenez-vous des problèmes de rage ! Je questionne Hoï sur leur rapport aux chiens, car je ne savais pas qu'il y en aurait autant. Il me dit que tout le monde en possède, et qu'ils font vraiment partie de la famille. Plus tard, et même en train de jouer au foot, Hoï est aux petits soins. Sa femme me prépare de nouveau un délicieux plat. Puis, je file me coucher ; avec cette chaleur et ce vélo, je croule de fatigue. Et demain s’annonce être une bonne journée. Dans la chambre, l’odeur de citronnelle s’est dissipée. Mais la moustiquaire prend tout son sens… Car j’aperçois quelques dizaines de moustiques minuscules qui ne demandent qu’à me rendre visite sous la couette !
JOUR 2 - RANDONNÉE DANS LES RIZIÈRES EN TERRASSE
La nuit a été courte et mouvementée. Mon estomac refuse visiblement toute coopération, et me l’a bien fait comprendre. À 8 heures, je me lève péniblement pour le petit déjeuner. Des crêpes avec de la banane cuite et du miel m’attendent, accompagnées d'un fameux café sua da : Hoï est fier de me faire découvrir cette spécialité. À 9h, il m’attend. Comme je suis seule dans l’hôtel, il m’a proposé un tour en scooter ; ce qu’il ne fait pas souvent. Nous voilà partis dans les montagnes, quand nous nous prenons une grosse rafale de pluie. Hoi a prévu pour moi une cape au cas où, mais mes jambes sont une patinoire. Je crains que la promenade soit écourtée, mais Hoi me dit de ne pas m’inquiéter.
Nous arrivons à destination et nous commençons à grimper (moins que prévu, Hoï s’est rapproché pour nous éviter la marche sous la pluie) dans un sol argileux parfaitement glissant. Hoi pose alors son sac au sol et en sort une énorme machette. À ce moment précis, je réalise que c’est quand même un sacré gage de confiance de partir avec un inconnu au milieu des montagnes toute seule 😂 Trève de plaisanterie, il se dirige vers un bambou et le coupe en deux-deux avant de me le tendre « here, walking stick ». Et je dois dire que ce bâton de marche m’a bien sauvée d’une ou deux chutes mémorables. On continue de grimper, la montée est totalement supportable. La pluie s’arrête peu à peu, il commence à faire chaud. Après quelques dizaines de minutes de marche nous arrivons devant une sublime vue de rizières en terrasse. Hoi est fier : « more beautiful than Sapa », dit-il. J’en profite pour faire voler le drone, et je dois bien admettre que c’est en effet splendide. Car derrière les collines qui entourent les rizières, on y découvre de sublimes monts de montagnes embrumés… ça donne un côté très mystique au lieu.
On continue notre tour et Hoi me montre beaucoup de choses. À cette période de l’année, les rizières sont extrêmement vertes et commencent à tendre vers le doré : cela signifie que le riz va bientôt pouvoir être récolté. Il y a donc beaucoup moins de travailleurs dans les champs qu’à d’autres périodes, même si certains viennent veiller sur le riz, ajouter des pesticides si besoin, ou encore chercher du riz pour nourrir leurs buffles. Les buffles jouent un rôle clé au moment de préparer le cycle entre deux cultures. Mais pour l’instant, ils sont installés dans des étables en haut des montagnes, car ils n’hésiteraient pas à manger tout le riz, et ruiner la récolte.
On termine la boucle et repart à la maison. Ce midi, sa femme m’a cuisiné un petit bol de riz pour ménager mon estomac. Même ça, ça ne passe pas. Je retourne me reposer quelques heures, en espérant un regain d’énergie.
Vers 16h, je retourne me promener dans les rizières, à pied cette fois. Je me dirige vers le Mai Chau Ecolodge, l’hôtel le plus fancy de la région. Il est situé au milieu d’une immense rizière, impossible de le louper, on ne voit que lui. Cet après-midi, la luminosité offre un décor beaucoup plus « doré ». J’en profite pour me promener au milieu des rizières, en espérant tomber sur des travailleurs à photographier… Chou blanc ! Hoi me dira plus tard que lorsque le temps est trop humide (ce qui était le cas), c’est qu’il va pleuvoir. Et quand il va pleuvoir, les farmers ne sortent pas ! Et en effet, à 18h, soit deux heures après, j’ai évité de peu le deuxième déluge de la journée.
Le soir, je demande à Hoi si sa femme peut me préparer les boulettes frites de patate douce. Je me dis que, comme c’est un aliment que je connais, il devrait mieux passer. Elles sont délicieuses. Hoi me prépare également un thé infusé avec du gingembre, de la citronnelle et du miel, parfait quand on est malade. Je vais donc me coucher pleine d’espoir. Demain, il sera temps de quitter cette belle région pour poursuivre mon séjour dans la baie d’Halong Terrestre : Ninh Binh !